mardi 13 décembre 2022

Christian Belaygue avait raison

Cela fait plus d'une décennie que Christian Belaygue (1947-2012) nous a quittés. Au moment de son décès, j'avais salué sa mémoire dans ce blog (voir "In memoriam Christian Belaygue", 12 mars 2012). Je me promettais d'ailleurs de revenir sur la question... Il n'est jamais trop tard.

Plus j'y repense, plus il me semble que l'expérience du festival CinéMémoire de 1993 fut héroïque.




Pour l'instant, je n'ai pas retrouvé la date précise de ma première rencontre avec Christian (ce devait être, en tout cas, rue du Colisée), mais je sais en revanche que nous nous rendîmes tous les deux aux Archives du film de Bois-d'Arcy le mercredi 9 juin 1993, pour y visionner, sur table de montage, une série de bandes 35 mm jusqu'alors snobées par les historiens du cinéma. Nombre de ces films composèrent par la suite le cycle "Le cinéma contre la syphilis", sans aucun doute l'expérience la plus radicale du festival.

Je viens de relire à ce propos le bel article de Marie Frappat, intitulé "Films retrouvés, films restaurés. Le festival CinéMémoire (1991-1997) ou la mise en scène du patrimoine cinématographique" (2020).

Voilà ce qu'écrit cette historienne : "En 1993, une nouvelle édition internationale, essentiellement européenne, est organisée du 28 octobre au 14 novembre. L'intérêt pour les rétrospectives à caractère socio-historique est de plus en plus prégnant - la plus marquante étant certainement celle mise au point par Thierry Lefebvre sur les maladies sexuellement transmissibles comme la syphilis."

Je tiens à préciser que Christian et moi avons élaboré ensemble cette rétrospective, en parfaite symbiose, même j'en ai écrit le long texte du catalogue.

Marie Frappat continue: "Dès le 23 novembre, Dominique Païni [le directeur général de la Cinémathèque française adresse une note à l'attention de Christian Belaygue, comportant des réflexions concernant l'édition de novembre 1993, qui apparaît comme un texte à charge. Il y pointe une incompatibilité entre les activités du festival et celles de la Cinémathèque française. Trop éparpillée et désordonnée selon lui, relevant d'un sociologisme flou, présentant des films d'inégale valeur sans ligne directrice, résultant d'une conception étroitement archiviste du cinéma, la programmation de la manifestation s'oppose à l'histoire de l'art cinématographique fondée sur les évaluations et réévaluations des œuvres et de leur auteur, qui guide l'institution qu'il dirige."

Marie Frappat le démontre, cette critique portait en germe la rupture qui s'opéra quelques mois plus tard. Je passe, par ailleurs, sur les enjeux de pouvoir qui m'ont toujours révulsé.

Cette vision étriquée du cinéma comme Art (avec un grand A, comme dans Anastasie), m'a toujours agacé. Comme tout un chacun (en tout cas je l'espère), je suis capable de faire la différence entre un film exceptionnel et une daube comme il s'en fait à la chaîne ces derniers temps, parfois même sous prétexte d'Art. OK pour la contemplation et l'admiration! Mais de grâce, laissez aux spectateurs la possibilité d'être tout simplement intrigués!

Je me rappelle d'une petite polémique avec un apparatchik du mensuel Positif. Il faut que je retrouve ça, pour rigoler un peu. Mais où?

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