30 juillet 2022

Sentinelles de l'oubli

Au fond, cette histoire des "radios locales privées" entre (disons) 1981 et 1986, s'il fallait la raconter vraiment, ressemblerait plutôt à un kaléidoscope, à l'instar des aventures de chercheurs d'or du Klondike que nous a léguées Jack London.

Il y avait de tout dans ces prospecteurs mégahertziens: des naïfs et des cauteleux, des "tombés du nid" (à mon image) et des bourlingueurs. Les sociologues du dimanche, prompts à généraliser, mettent volontiers dans le même panier le trentenaire qui a vécu d'autres vies, et le gars d'une vingtaine d'années, frais émoulu de son lycée. À eux deux pourtant, ils ne font pas une génération, car un abîme les sépare. Cet abîme, c'est le curriculum vitae, le vrai, pas celui que des faussaires s'enquiquinent toute leur vie à falsifier (car combien de CV sont falsifiés! d'ailleurs, Debord l'a écrit quelque part).

Cette histoire panoptique et multifocale, j'y travaille depuis de nombreuses années, j'empile de l'inédit et ça ressemble de plus en plus à une de ces pyramides humaines dont raffolent les acrobates. 

Mais ce n'est vraiment pas facile.

Parce que: 

1) on ne peut vraiment pas tout dire, ou alors il faut fictionnaliser;

2) "on" nous empêche de tout savoir. Modiano évoque dans Dora Bruder ce qu'il nomme les "sentinelles de l'oubli". Celles, physiques ou légales, qui nous empêchent d'écrire vraiment l'histoire du temps présent.

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