Mercredi 16 janvier 1985, il y a donc très précisément trente-sept ans (gloups!). Il doit être 7h30 du matin ou quelque chose comme ça. Avec ma camarade Sophie B, je viens de mettre un terme à une de ces émissions-marathons nocturnes dont je raffole. Sept heures d'échanges ininterrompus, souvent loufoques, parfois émouvants ou alors franchement absurdes, avec des dizaines et des dizaines d'auditeurs insomniaques.
François, le chef d'antenne, vient d'arriver à la radio. Il nous tend le Libération du jour avec son air goguenard habituel. "Vous avez lu?". (À l'époque, Libé faisait la pluie et le beau temps.)
Page 39, un journaliste (initiales: JB) débite des sarcasmes sur la "bande FM". Citation: "Par un samedi frileux entre 22h30 et 24h30, que se passe-t-il sur la FM parisienne? La main sur le sélecteur de fréquences, l'exercice qui ravissait lors des premiers balbutiements radio-libérés est encore l'un des plus comiques qui soit. Une règle toutefois: bougez vite!"
Toutes les stations encore en direct à cette heure tardive y passent: Radio Montmartre, Fréquence Protestante, France Inter, Ici & Maintenant, Radio Pays, Radio des Poumons, Gilda, Radio Solidarité. Sans oublier Fréquence Libre, la radio au sein de laquelle je m'amuse follement à l'époque.
Je cite le journaliste: "[Sur] Fréquence Libre (103.1 MHz) [...] les auditeurs débattent de la Nouvelle-Calédonie. Un auditeur: “La France est bien assez grande comme ça.” Le co-animateur: “Tu la connais, toi, la superficie de la France?” L'auditeur: “Non...” Le co-animateur: “Ça tourne autour de 500.000 m2.” La co-animatrice: “Mais non, c'est beaucoup plus, au moins 100 millions de km2.” Le co-animateur: “J'ai dû me tromper, en fait c'est 500.000 km2.” L'auditeur: “Enfin, pour en revenir à Noumachin, il faut leur donner l'indépendance tout de suite, je suis chômeur en fin de droits et j'ai à peine de quoi m'acheter une baguette."
Bon, il se trouve que je viens de retrouver l'enregistrement complet de la nuit en question (il s'agissait en pratique du samedi 12 janvier 1985). Je la co-animais également avec Sophie. Ce que je peux affirmer, c'est que ça ne s'est pas vraiment passé comme le raconte le journaliste. Par ailleurs, j'aimerais bien écrire un livre autour de ces deux nuits d'antenne (celle du 12-13 et celle du 15-16 janvier 1985), car il me semble retrouver un peu de l'air du temps dans ces douze à quatorze heures de conversations à bâtons rompus.
Mais en attendant, je trouve amusant de voir les journalistes (qui de nos jours se repaissent de tweets et de micro-trottoirs pour le moins fantaisistes) tirer à boulets rouges sur l'interactivité bon enfant et déjà déclinante de la bande FM parisienne. Certes, cela se passait il y a trente-sept ans, mais bon... Ça doit être un symptôme de quelque chose à mon avis.
À propos de "journalisme", et plus précisément de cette incroyable supercherie qu'on nomme "télévision" (je ne parle pas de la technologie -fascinante-, mais du système féodal bâti tout autour), il m'est arrivé, il y a peu, une histoire absolument extraordinaire, mais que j'aurais bien de la peine à résumer en quelques lignes. Elle m'a rappelé cette phrase essentielle de Guy Debord: "Le spectacle s'est mélangé à toute réalité, en l'irradiant."
J'y reviendrai.
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