02 décembre 2025

Opération Doyen

"Doyen et Comandon se sont-ils rencontrés ?" : mon texte vient de reparaître dans un bel ouvrage de la fondation Jérôme Seydoux-Pathé intitulé La Représentation du corps malade dans le cinéma des premiers temps.




En le parcourant, je me suis aperçu que plusieurs de ses auteurs citaient mon livre de 2004 La Chair et le Celluloïd. Le cinéma chirurgical du Dr Doyen. C'est, après La Bataille des radios libres, le plus régulièrement cité de mes ouvrages, si j'en crois diverses bases de données.

Le plus drôle, c'est que ce pensum aurait pu ne jamais paraître. Je l'avais rédigé (je ne sais plus trop sous quelle impulsion) vers la fin 1997 ou au début 1998, alors que je venais d'être nommé maître de conférences à l'université Paris 7. J'avais d'abord envoyé le tapuscrit à Philippe Pignarre, responsable des "Empêcheurs de penser en rond". J'ai conservé sa réponse datée du 22 juin 1998: "J'ai lu votre texte et il n'est pas sans intérêt, mais je ne crois pas qu'il existe un public suffisant pour l'éditer en livre." (Sans blague!)

Je l'envoyai ensuite à l'éditeur Louis Pariente qui, le 9 novembre 1998, me répondit très aimablement: "[...] à mon avis, votre travail mériterait bien d'avoir sa place, un jour, dans les éditions du Musée [d'histoire de la médecine] pour lesquelles j'aimerais travailler..." 

Quelque temps plus tard, Marie-Véronique Clin, conservatrice dudit musée, s'avérait malheureusement moins encourageante: "Pour ce qui est de la publication de cet ouvrage, M. [Georges] Cremer m'a demandé d'avoir auparavant un partenariat qui nous permette de ne pas prendre de trop gros risques financiers. Donc, pour le moment nous ne prenons pas de décision." 

Je fis une dernière (et stupide) tentative auprès des éditions L'Harmattan. En décembre 1999, Bruno Péquignot, directeur éditorial pour les sciences humaines et sociales, m'informait que le "comité de lecture ne l'[avait] pas retenu pour publication".

L'expérience n'était assurément pas concluante, mais, au moins, j'en savais désormais assez sur l'état de l'édition en SHS au tournant du siècle... et sur ses prétentions financières (ça ne s'est guère arrangé depuis!).

L'affaire aurait pu en rester là - et le tapuscrit serait resté dans les limbes, comme tant d'autres - si Jean Doyen (1920-2008), le petit-fils du Dr Doyen, n'avait décidé de prendre le taureau par les cornes vers la fin 2003. Je garde un excellent souvenir de cet homme affable, que je fréquentais depuis 1995. C'était un vieux monsieur modeste et bienveillant, comme j'en ai connu fort peu au cours de mon existence.

Il prit contact avec un éditeur de sa connaissance - Saint-Paul Imprimeur Éditeur (Bar-le-Duc) -, qui composa puis flasha 700 exemplaires de l'ouvrage, ma foi de jolie facture! Je salue, par-delà les deux décennies écoulées, le sympathique infographiste avec lequel j'eus le plaisir de travailler une journée durant (le bon à tirer était quasiment prêt au terme de cette séance de travail!). Il en coûta 2 232 euros à Jean Doyen et - chose extraordinaire! - il refusa toute contribution de ma part.




Finalement, l'ouvrage se vendit plutôt bien, surtout à l'étranger. S'il n'était pas décédé entre-temps, Jean Doyen serait certainement rentré dans ses fonds. En particulier, la Société d'études sur Marey et l'image animée (Sémia) fit l'acquisition d'une centaine d'exemplaires, grâce à l'obligeance de Laurent Mannoni. Il s'en vendit également plusieurs dizaines à la bibliothèque de la Cinémathèque française, mais le gérant d'alors ne régla jamais la facture, sous le prétexte que Jean Doyen n'avait pas de numéro de SIRET. Depuis, on ne le trouve plus à la Cinémathèque.

Je garde un excellent souvenir de cette "opération Doyen" pour le moins originale.

J'en profite pour signaler que je suis en train de mettre en forme le résultat de mes nombreuses recherches menées depuis une quinzaine d'années autour du thème "Science & Cinéma". La plupart de ces travaux sont totalement inédits.

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