20 juillet 2024

Cravan et Traven

Il y a un peu plus d'une vingtaine d'années, j'eus l'occasion de rencontrer, au hasard de mes pérégrinations, un (presque) futur président de l'Assemblée nationale et une (presque) future Première ministre... et d'échanger avec eux.




André Chassaigne et Clémentine Autain (2004).
Photogramme : Thierry Lefebvre.


Vingt ans, c'est bien long. C'est pratiquement le temps qu'il fallut à Edmond Dantès pour s'invisibiliser en comte de Monte-Cristo. Personne alors ne semblait le reconnaître.

Ce qui me frappe ici, c'est la ressemblance de ces deux personnalités politiques avec ce qu'elles sont devenues aujourd'hui. Cette faculté de se ressembler, en dépit de l'érosion causée par le temps et des aléas de la vie, me semble un des marqueurs de cette "notoriété spectaculaire" qu'évoque quelque part Debord. 

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Un qui ne ressembla à personne -et surtout pas à lui-même puisqu'il existe encore des doutes à son sujet-, c'est Otto Feige (1882-1969). Sous le pseudonyme mystérieux de B. Traven, il écrivit des petits chefs-d'œuvre comme Le Trésor de la Sierra Madre ou Le Vaisseau des morts. Je remercie le hasard d'une boîte à livres de me l'avoir fait découvrir.

Autre personnage mystérieux: Arthur Cravan (1887-1918), qui serait mort au Mexique comme Traven. Sa critique du Salon des Indépendants de 1914 est assez incroyable: "[...] si je vais citer une quantité de noms, c'est uniquement par roublardise et le seul moyen de vendre mon numéro [de sa revue Maintenant], car j'aurai beau dire que Tavernier, par exemple, est le dernier des fruits secs, et citer ce petit con de Zac au milieu d'une interminable liste de nullités, ils m'achèteront tous deux, avec les autres, pour le seul plaisir de voir leurs noms imprimés. Du reste, si j'étais cité, je ferai comme eux." Aujourd'hui, on se googlelise.

On doit également à Cravan, dans le même texte, cet aphorisme célèbre (très debordien, je trouve): "Dans la rue on ne verra bientôt plus que des artistes et l'on aura toutes les peines du monde à y découvrir un homme." Le Spectacle, toujours le Spectacle...

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