J'ai lu sur un blog (que j'aime bien par ailleurs) que les "jeunes" auraient "largement plébiscité Mélenchon", reprenant en cela un titre extrêmement tendancieux de francetvinfo (je cite: "Les plus jeunes ont voté JLM, les plus vieux EM"). Je suis désolé, c'est faux. Qui plus est, les mots ayant un sens, je peux affirmer, sans peur de me tromper, que les jeunes n'ont "plébiscité" personne, et fort heureusement!
Un gros paquet de jeunes se seraient en effet abstenus (42% des 18-24 ans, et 46% des 25-34 ans), si l'on en croit le sondage Ipsos en question. Cela dit, je mets au défi les personnes intéressées de trouver le détail de cette étude, et surtout la taille de l'échantillon de "jeunes" interrogés. Ce simple fait me suggère une marge d'erreur considérable.
Que lit-on dans le digest éditorialisé à la va-vite par francetvinfo? Parmi les 18-25 ans qui ne se sont pas abstenus (soit 58%, si vous me suivez bien), 31% auraient choisi Mélenchon et 26% Le Pen (Macron étant pratiquement au niveau de cette dernière). Ce qui signifie, si on effectue une simple règle de 3, que Mélenchon n'aurait attiré qu'un peu moins de 18% des jeunes, et Le Pen un peu plus de 15% (tout comme Macron). Tout cela se lisse à l'évidence, si l'on tient compte de la marge d'erreur.
Plus drôle encore, un autre sondage (BVA, celui-là) permet à Ouest-France de gloser sur le même sujet. Mais cette fois-ci, l'abstention des 18-25 ans y est estimée à 24% (au lieu de 42% chez Ipsos!). 29% auraient voté JLM (soit 22% rapportés à la population globale), 25% EM (soit 19%) et 22% MLP (16,7%). Autant dire que tout le monde batifole dans la marge d'erreur
Une abstention du simple au double selon deux instituts de sondage pourtant réputés (Ipsos vs BVA): cela ne fait évidemment pas sérieux, mais les lecteurs se satisfont de peu quand les chiffres paraissent abonder dans le sens de leurs croyances.
Personnellement, ma conclusion serait plutôt la suivante: les "jeunes" sont plus que mitigés et ne se reconnaissent qu'assez peu (voire pas du tout) dans les courants politiques, souvent archaïques (même les plus récents), qui leur sont proposés. Il peut même leur arriver de voter "utile", comme les vieux, ce qui ne signifie en rien qu'ils "adhèrent". Un jeune n'est pas un sparadrap.
Rappelons par ailleurs que le vote "des jeunes" est souvent le fruit d'un "habitus", au sens bourdieusien du terme. Plus on "baigne" dans un milieu (familial, amical) qui a tendance à aller voter, plus on sera susceptible d'aller voter, par effet d'entraînement en quelque sorte. Et le plus souvent, comme par hasard, on votera pour le candidat chouchou de ce milieu. Cela fait-il vraiment sens?
Cela dit, le vote des vieux est souvent du même acabit: on vote souvent pour ce que nous suggèrent les interactions avec ceux qui - comme c'est étrange! - ont tendance à nous ressembler (les CSP+ avec les CSP+, les CSP- avec les CSP-, les enseignants avec les enseignants, les contents avec les contents, les aigris avec les aigris, etc.). Nous sommes tous affreusement influençables, donc absolument pas fiables. La démocratie est la somme de toutes ces méprises.
Ce n'est certes pas comme cela qu'on permettra aux jeunes de construire un avenir commun. Certainement pas en les condamnant à répliquer les postures politiques de leurs aînés.
En revanche, je pense que si - prenons un exemple - un Mbappé se présentait à l'élection, il serait très probablement désigné par une belle minorité de "jeunes". Ça tomberait d'ailleurs plutôt bien (même si cela s'apparenterait forcément à une autre forme de populisme): le petit gars a l'air bien plus "neuroné" que bon nombre de candidats qui ont postulé cette année (je pourrais même en citer au moins trois ou quatre qui étaient franchement "limite").
Bon, j'arrête avec la politique, car je n'ai pas trop le temps ni l'envie... et ce blog n'est pas un troquet, mais une sorte de "carnet de recherche" personnel sur ce qui n'intéresse généralement que moi.
Ce qui doit arriver adviendra. Dans cinq ans, en 2027, si je suis encore vivant et si ce blog existe encore, je vous dirai quel sera le président de la République suivant. Je crois déjà connaître son nom. Et il ne commence pas par Z.
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Un peu de beauté pour revenir à l'essentiel. La semaine dernière, Anna Schygulla était l'invitée de France Culture. Une scène me trotte régulièrement dans la tête depuis environ quarante-cinq ans. Elle est tirée de Faux mouvement, le beau film de Wim Wenders. Du cinéma à l'état pur: mouvement + regards.
Falsche Bewegung (Wim Wenders, 1975).
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