vendredi 8 juin 2018

Légende urbaine

Heure des bilans de mi-parcours avec les étudiants. J'aime bien ces discussions à bâtons rompus. Rien de plus intéressant que des jeunes gens qui se cherchent et nous renvoient notre propre image... à quelques décennies de distance.

Et soudain, cette question à brûle-pourpoint d'un étudiant particulièrement sympathique: "Est-il vrai que vous êtes monté sur le toit du Medef et qu'un hélicoptère est venu pour vous en déloger?"
Éclat de rire de ma part : qu'il est drôle de se retrouver le personnage - bien involontaire - d'une légende urbaine!

Eh bien oui, je suis monté sur le toit du Medef, mais bien sûr aucun hélicoptère n'est venu m'en déloger. Je ne suis pas Vin Diesel et j'ai horreur des hélicoptères et des avions, et de tout ce qui fait du bruit et pollue en général. Je suis redescendu de ce toit de mon plein gré, et de la façon la plus décontractée qui fût.

Cela se passait très précisément le vendredi 25 juin 2004 (de nombreuses coupures de presse en témoignent). Depuis quelques mois, je suivais, de manière sporadique et en fonction de mes disponibilités, le mouvement des intermittents, en vue d'en tirer de la documentation et la matière pour un ouvrage mémoriel (et non sociologique). Ce livre n'est jamais sorti (mais il sortira!). On peut en trouver quelques prémices dans Le Monde Initiatives d'octobre 2004, que j'avais supervisé avec André Gattolin et quelques autres.

Bref, informé par Pierre (un des intermittents les plus investis dans ce mouvement à l'époque), je suivis cette "action" à la fois très symbolique et totalement loufoque.

Image : Thierry Lefebvre.

Nous (une trentaine de personnes) montâmes par l'escalier de service d'un immeuble mitoyen du siège du Medef et, au prix de quelques acrobaties hasardeuses, nous nous retrouvâmes sur le toit du syndicat patronal, avec vue imprenable sur la tour Eiffel et tout Paris.

Image : Thierry Lefebvre.

J'y restai trois ou quatre heures, sous un soleil d'enfer, puis j'en redescendis par le même chemin, car d'autres travaux urgents m'attendaient. Les policiers qui cernaient le bâtiment furent d'une parfaite cordialité.


Images : Thierry Lefebvre.

La plupart des "occupants" restèrent en revanche quatre nuits et cinq jours sur le toit! Expérience hors du temps digne de Michel Siffre, qu'ils me racontèrent par la suite et qui relève - me semble-t-il - de la "construction des situations" théorisée par Guy Debord.
Durant le week-end puis à la fin du dernier jour d'"occupation", je me rendis au bas de l'immeuble, où se tenaient des rassemblements débonnaires avec fanfares et comédiens. J'y filmais entre autres Clémentine Autain (alors jeune adjointe au maire de Paris), André Chassaigne (député du Puy-de-Dôme) et beaucoup d'autres. Sans oublier Paul Benayoun, chargé de mission de Jean-Louis Borloo (alors ministre de l'Emploi), dont je ne pus qu'admirer le calme olympien au cours de négociations épiques par mégaphones interposés.

Je dispose sur cet artéfact (et beaucoup d'autres) d'une énorme documentation et surtout de souvenirs inexpugnables. Avis aux éditeurs!

Mais je puis l'assurer : aucun hélicoptère ne survola ce jour-là (ni les autres jours) le toit du Medef!

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