dimanche 28 octobre 2018

Souvenir de Michel Michel

L'autre jour, parti à la recherche d'une information pour un ouvrage en cours de rédaction, je suis tombé par hasard sur une de ces feuilles de papier listing qui alimentaient les imprimantes au tournant des années 80.
Sur ce document, je (re)lisais le texte suivant, rédigé d'une large écriture au stylo bleu:
"L'équipe du 6/9 Show - Éric Malherbe et Fidel Ascaso pour les infos et Michel Michel pour le délire - ne verrait aucun inconvénient à ce que de chaâarmants auditeurs ou auditrices se mettent à faire des crêpes pour améliorer leur ordinaire et venir fêter le mardi graâas avec eux tout à l'heure (pour les auditeurs, si possible blonds aux yeux bleus), pour les auditrices comme elles veulent."
(Je me suis permis de corriger quelques fautes.)

Archives T. Lefebvre.

Aussitôt, le souvenir de ce document anecdotique et des circonstances de sa production m'est revenu, quelque 35 ans après.

J'officiais à l'époque à Fréquence Libre, une radio locale privée située à Paris, 54 avenue Secrétan. En parallèle de mes études, j'y produisais et fabriquais de nombreuses émissions, tantôt comme animateur, tantôt comme technicien. C'était une passion, au sens plein du terme, et je pense en conséquence n'avoir jamais voulu "faire carrière" dans ce domaine ("faire carrière" est d'ailleurs une expression que j'exècre).
Nous devions donc être le mardi 6 mars 1985 (mardi gras), sans doute vers 5h du matin. J'animais une émission de nuit qui avait dû débuter vers 22h ou minuit la veille. À l'époque, je ne m'économisais guère et les émissions nocturnes étaient tout particulièrement propices aux expériences les plus fumeuses. Bref, j'adorais...
Avais-je des invités cette nuit-là? Probablement, mais je ne m'en souviens plus... Non loin du studio, dans un petit open space, trois jeunes gens, qui s'étaient levés tôt, préparaient le "6-9 show", une des émissions vedettes de la station, une sorte de "morning" comme on dit de nos jours.
Le "6-9 show" avait été créé quelques mois plus tôt par un type extraordinaire, Michel Michel (je n'ai jamais su s'il s'agissait d'un pseudonyme), un transfuge de Fréquence Gaie (il s'y était distingué en 1982-1983, en animant l'émission "Music-hall").
C'est lui qui avait rédigé la "petite annonce" dont je dus lire le contenu à l'antenne, à moins qu'il ne le fit lui-même (comme je crois me souvenir).

Une image de Michel Michel en 1988. 
© INA.

Michel Michel était drôle (parfois jusqu'à la causticité), fantasque et volontiers extraverti, homosexuel affirmé de surcroît, ce qui explique le ton légèrement grivois de sa petite annonce.
Je me souviens de discussions sympathiques que nous avions à l'aube, sur le zinc du bar qui faisait alors l'angle de l'avenue Secrétan et du boulevard de la Villette. Je terminais mon émission en lançant un 33 tours interminable dont j'avais le secret, et lui prenait un petit café avant de débuter la sienne à 6h.

Nous nous perdîmes de vue quand Fréquence Libre mit la clé sous la porte. Michel Michel poursuivit sa carrière à TF1, devenant un journaliste apprécié. On peut le voir par exemple dans cet extrait de 1988.

© INA.fr

Il mourut du sida (c'est du moins ce qui se dit alors) en octobre 1989. Patrick Poivre d'Arvor lui rendit un chaleureux hommage à l'occasion de son journal télévisé.
Des jeunes gens comme lui, fauchés dans la fleur de l'âge, j'en ai connus beaucoup au cours des années 80-90. Amis ou collègues qui nous faussèrent subrepticement compagnie, alors même que l'"espérance de vie" prétendait nous "conserver" jusqu'à 72 ans (pour les hommes) ou 80 ans (pour les femmes).
Leur souvenir me poursuit. Pour eux, tout se passa comme si nous en étions restés aux cruelles statistiques de la fin du XVIIIe siècle. Une telle injustice continue de me révolter.

vendredi 5 octobre 2018

Le sens du mouvement à la Cinémathèque française

Séance exceptionnelle ce vendredi 5 octobre 2018 à la Cinémathèque française (voir ICI). Dans une salle Georges Franju archi comble, le Conservatoire des techniques cinématographiques accueillait Alain Berthoz, professeur honoraire au Collège de France, venu nous parler des bases neurales du mouvement et de sa perception. Ce type de conférence n'avait jamais été proposé jusqu'à présent et l'accueil du public de la Cinémathèque s'avéra extrêmement chaleureux et positif. C'est la preuve que les rapports tissés entre la science et le cinéma sont sources d'intérêt et d'inspiration.

La séance débuta par un rappel de Laurent Mannoni sur les travaux fondateurs d'Étienne-Jules Marey, qui fut, à la fin du XIXe siècle, le titulaire de la chaire d'histoire naturelle des corps organisés du Collège de France et l'inventeur de la chronophotographie (ancêtre direct du cinématographe).
Puis j'eus l'honneur de présenter les recherches de deux de ses principaux "héritiers": François-Franck, qui lui succéda au Collège de France; et Lucien Bull, qui devint par la suite directeur de l'Institut Marey.
Enfin, Alain Berthoz présenta avec brio les travaux qu'il mena et continue de mener sur la locomotion humaine, sous toutes ses facettes.
Puis ce furent les questions du public...

Alain Berthoz face au public.
Photo : Thierry Lefebvre.

Cette conférence hors-norme fut bien entendu illustrée de nombreuses images rares: chronophotographie récemment retrouvée d'Étienne-Jules Marey; film de Lucienne Chevroton (préparatrice de François-Franck) sur le développement de l'œuf d'oursin; images à l'ultra-ralenti de Lucien Bull; films tournés dans divers laboratoires de recherche fréquentés Alain Berthoz au cours de sa carrière.
L'ensemble - filmé - sera mis en ligne prochainement. Et les liens entre le Collège de France et la Cinémathèque française devraient se resserrer plus encore l'année prochaine. Mais nous en reparlerons en temps voulu...

mercredi 3 octobre 2018

À propos de Paul Dorveaux

Samedi 29 septembre 2018 se tenait, à la toute nouvelle faculté de pharmacie de Nancy (campus Brabois Santé, à Vandœuvre-lès-Nancy), une séance délocalisée de la Société d'histoire de la pharmacie.

Des locaux flambant neufs 
que nous fit visiter le doyen Raphaël Duval.

Ce fut l'occasion pour moi de présenter la vie et les travaux d'un Lorrain célèbre: Paul Dorveaux (1851-1938), médecin-bibliothécaire au tournant du vingtième siècle.
Personnage attachant dont j'ai découvert, il y a environ un an, quelques fragments de correspondance qui seront retranscrits, avec beaucoup d'autres, dans un ouvrage à paraître très prochainement (fin octobre 2018).

Paul Dorveaux (coll. SHP).

Ce samedi, je me suis penché tout spécialement sur les circonstances qui valurent à ce modeste médecin de campagne de devenir un bibliothécaire d'université, puis un historien des sciences médicales estimé de ses pairs.
J'admire beaucoup ces reconversions, certes facilitées par le jeu des amitiés et fidélités, mais qui détournent les plus téméraires des voies toutes tracées auxquelles beaucoup d'entre nous se conforment jusqu'au tarissement.

Le texte de cette communication - intitulée "Paul Dorveaux: une reconversion sur fond d'amitiés lorraines"- paraîtra dans quelques mois.