03 avril 2025

À la rencontre de Paul Seixas

Au début de La Ligne d'ombre (The Shadow-Line, 1917), Joseph Conrad écrit ces lignes magnifiques: "C'est le privilège de la prime jeunesse de vivre en avance sur son temps, dans toute la splendide continuité de l'espoir qui ne connaît ni pause ni introspection. [...] L'on va de l'avant, reconnaissant au passage les repères laissés par les prédécesseurs, passionné, amusé, encaissant à la fois la chance et la déveine [...] - ce pittoresque lot commun qui renferme tant de possibilités pour les méritants et peut-être les chanceux."

Lorsque j'enseignais, je passais le plus clair de mon temps - outre à m'écouter parler, hélas! - à essayer d'imaginer ce qui pouvait bien se jouer dans la tête de quelques-uns de mes jeunes étudiants, pour lesquels j'entrevoyais diverses possibilités d'existence. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les vieux m'ennuient tant: ils sont si prévisibles, comme emmaillotés dans leurs certitudes et leur savoir-faire. J'en parle en connaissance de cause.

En cyclisme, c'est un peu la même chose que dans mes cours de jadis. Que se passait-il dans la tête du flamboyant Tadej Pogačar avant sa 20e année? Que se passe-t-il dans la tête de Paul Seixas, 18 ans, champion du monde espoir du contre la montre, dont le peu que j'ai pu voir à ce jour m'incite à penser qu'il est peut-être du même calibre?

Je me suis donc rendu à Magnanville pour le départ d'une course cycliste que j'aime bien, Paris-Camembert (créée en 1934). Et j'ai pu le rencontrer en chair et en os, l'observer longuement et même échanger avec lui. Eh bien, ce gars-là va aller loin, à l'instar de Lenny Martinez dont il est le cadet de trois ans. Ces deux-là vont briller dans les prochaines années. 

On en reparle dans deux ou trois ans ou peut-être même avant. Mais en attendant, le jeune néo-pro et benjamin de l'épreuve a été étincelant et hypertonique, terminant deuxième de cette course venteuse et mouvementée.



Le sympathique Paul Seixas, le 2 avril 2025.
Photo : Thierry Lefebvre.


On l'aura compris, je prépare quelque chose sur le cyclisme (à l'horizon de deux-trois ans). Mais je ne fais pas que cela, comme nous le verrons au cours des prochaines semaines.

PS : Le vendredi 25 avril 2025, à l'occasion de la dernière étape du Tour des Alpes dont il fut un des principaux protagonistes, Paul Seixas a laissé son coéquipier Nicolas Prodhomme (28 ans, donc de dix ans son aîné) franchir en tête la ligne d'arrivée. J'ai adoré ce moment, qui confirme tout le bien que je pense de ce jeune homme.


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