mercredi 16 janvier 2019

François Mitterrand : "Demain"

J'ai le souvenir qu'il faisait vraiment très froid le mercredi 16 janvier 1985. Le site rétrospectif Météo Passion me le confirme d'ailleurs: - 10°C au plus "chaud" de la journée à Paris. L'hiver 1984-1985 fut assurément un des plus sévères des années 80.

Ce soir-là, ma station de radio m'avait confié la responsabilité d'assurer un duplex depuis les locaux du Matin de Paris. Je me rendis donc, une valise à la main, au 21 rue Hérold où se trouvait le siège du quotidien.
Sitôt arrivé, je m'installais dans la salle de conférence de rédaction et déballais mon matériel. La valise contenait une petite table de mixage. Il suffisait de la raccorder à une prise téléphonique, de composer le numéro de la station, de brancher un ou deux micros et de procéder à quelques tests. Hop! le tour était joué, le studio volant était opérationnel.

À l'approche de 20h, le comité de rédaction fit son entrée dans un grand brouhaha. Je crois me souvenir qu'il y avait là en particulier Claude Perdriel, le fondateur et rédacteur en chef, et au moins quatre ou cinq de ses collègues. Un poste de télévision, branché sur Antenne 2, avait été installé dans un coin de la pièce et toutes les chaises étaient tournées dans sa direction.

À 20h15, le visage de François Mitterrand apparut sur le petit écran. Le président de la République se trouvait à l'Élysée, dans une belle bibliothèque agrémentée d'un drapeau tricolore. En face de lui, un quatuor de journalistes: Paul Amar, Albert Du Roy, Philippe Gallard et Christine Ockrent.
L'interview débuta.
Le premier thème abordé fut bien entendu la Nouvelle-Calédonie, alors à feu et à sang (morts d'Yves Tual le 11 janvier et d'Éloi Machoro le 12 janvier).
L'entretien prit soudain un tour surprenant.

Christine Okrent: "Est-ce que vous iriez jusqu'à aller en Nouvelle-Calédonie?"
Albert Du Roy: "Vous êtes allé au Liban..."
François Mitterrand: "Mais oui Madame, j'irai en Nouvelle-Calédonie."
Albert Du Roy: "Quand?"
Christine Ockrent: "Peut-on savoir quand?"
François Mitterrand : "Demain."
Albert Du Roy: "Vous partez demain?"
François Mitterrand: "Demain."
Christine Ockrent: "Demain jeudi?"
François Mitterrand: "Demain jeudi."

On retrouvera le passage en question dans ce document de l'Institut national de l'audiovisuel.


J'ai le souvenir d'une véritable explosion dans la salle de rédaction. Le coup de théâtre avait été tel que toutes les personnes présentes s'étaient levées comme un seul homme. Moi-même, qui ne possédais pas de télévision à l'époque (pas plus que maintenant d'ailleurs), j'avais été "scié".

Aussitôt, la machine éditoriale se mit en branle. D'emblée, le titre de la une du lendemain s'était imposé à tous: "DEMAIN", en grosses lettres capitales (j'espère qu'il ne s'agit pas d'un faux souvenir, car je ne retrouve plus l'exemplaire en question!).
En tout cas, ce soir-là, je suivais pour la première fois le processus de fabrication d'un quotidien. Ce fut une expérience passionnante.
Et lorsque je sortis du Matin de Paris, au plus profond de la nuit, il faisait toujours aussi froid...

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