dimanche 31 janvier 2021

Latour prends garde !

Latour par-ci, Latour par-là! Les vieux sages (singes?) aiment décidément à se portraiturer en oracles médiatiques: Hessel (RIP), Serres (RIP), Morin et désormais Latour... 

Tout ce qu'ils entrevoient à travers leurs persiennes honoraires, s'apparente à de l'Histoire... et bien sûr avec un grand H. Oubliées la soupe primordiale, les pyramides, la grande muraille de Chine et la peste de Justinien... les tranchées de Verdun... l'expérience d'Alamogordo... l'ascension de Gagarine... 

La Covid, c'est l'acmé de tous les millénaires empilés les uns sur les autres depuis le Big Bang, la cerise sur le gâteau (j'allais dire le gâteux). Et puis ça tombe bien: tout le monde en parle, alors parlons-en!

Il est certain que nous vivons des temps très singuliers, particulièrement propices aux moulins à parole...

Place aux jeunes, que diable! 

samedi 30 janvier 2021

Rendez-nous la Grotte du chien !

Cette longue pandémie ne nous aura pas permis de défendre l'ouvrage Voyage en CO2 comme nous l'aurions souhaité, Cécile Raynal et moi-même. Ce n'est peut-être que partie remise.



Toujours est-il que je découvre sur le site de Pour la Science une sympathique recension qui m'avait échappé, signée par le paléontologue bien connu Éric Buffetaut.

J'en cite un extrait :

"Comment une curiosité géologique italienne connue depuis l'Antiquité donna-t-elle naissance au 19e siècle à une attraction touristique auvergnate? La Grotta del Cane, près de Naples, n'était qu'une très modeste cavité, mais a longtemps eu une sinistre réputation: si un homme pouvait s'y tenir debout sans dommage, de mystérieuses effluves conduisaient rapidement à l'asphyxie puis à la mort de tout être vivant de petite taille. Pour illustrer le phénomène, les habitants des lieux y faisaient pénétrer un chien, qui ne tardait pas à perdre connaissance, puis à périr si on ne le sortait pas assez vite pour qu'il se ranime au grand air. Nombreux furent les visiteurs qui en furent témoins, du Marquis de Sade à Alexandre Dumas en passant par Mozart, Goethe et Flaubert. Mais ce n'est qu'au 18e siècle, avec la découverte du dioxyde de carbone, que l'on comprit vraiment de quoi il s'agissait: ce gaz, d'origine volcanique, s'accumule naturellement au fond de la grotte, jusqu'à une certaine hauteur, et les animaux qui s'y trouvent plongés ne peuvent respirer. [...] Dans cet excellent petit livre, Thierry Lefebvre et Cécile Raynal nous content cette pittoresque histoire, à la croisée de l'histoire des sciences et de celle du tourisme, avec beaucoup de talent." 

L'intégralité de la recension se trouve ICI.

mercredi 27 janvier 2021

Mort d'un riposteur

La presse nous informait avant-hier du décès de Jean-Pierre Michel (1938-1921). À l'origine du Pacte civil de solidarité (PACS), il avait été secrétaire général du Syndicat de la magistrature, député et sénateur.

Membre du CERES de Jean-Pierre Chevènement et Didier Motchane, il avait très logiquement participé aux deux tables rondes de l'émission Radio Riposte en juin 1979.

Je l'avais longuement interviewé le 4 juillet 2002, dans un café non loin de Jussieu. Je me souviens encore de son accent rocailleux du Gard et de ses moustaches. L'interview est restée inédite, mais on peut lire, dans François Mitterrand pirate des ondes, la teneur des propos qu'il tint au cours de cette émission mythique, et les conséquences qui en découlèrent pour lui.



Pour rappel, l'ouvrage peut toujours être commandé à cette adresse : http://www.editions-glyphe.com/livre/francois-mitterrand-pirate-des-ondes-laffaire-radio-riposte/

dimanche 24 janvier 2021

Transmission électrique

Préparant, comme depuis vingt-six ans, l'un des quatre numéros annuels de la Revue d'histoire de la pharmacie, je suis en train de relire et mettre en forme un nouveau texte de mon collègue et ami Guy Devaux, consacré cette fois-ci à l'existence d'un modeste pharmacien de Forcalquier, Eugène Plauchud (1831-1909).

Je ne dirai pas ici toute l'admiration que j'éprouve pour Guy Devaux, magnifique esprit animé d'une curiosité permanente, et toujours prêt à partager ses découvertes (et elles sont nombreuses!) au moyen d'une écriture irréprochable. Ce sont des volontés comme celles-ci qui m'encouragent à poursuivre cette manière d'"apostolat".

Non, c'est à Eugène Plauchud que je veux rendre ici hommage. Cela se passe en novembre 1883, année pandémique (choléra, sans parler de la tuberculose). Le pharmacien donne à l'Athénée de Forcalquier une conférence intitulée "À propos d'électricité: la Durance et ses forces motrices". Rappelant l'expérience fameuse d'Hippolyte Fontaine sur la transmission électrique des forces (1873), Plauchud s'enthousiasme: "Eh bien! Mesdames et Messieurs, cette force, nous l'avons sous la main; nos torrents, notre Mistral et notre Durance nous en offrent plus qu'il nous en faut; et, sans être taxé d'être des visionnaires, nous pouvons rêver la transformation de nos pays. [...] L'avenir nous appartient, si nous savons mettre en œuvre l'énergie que nous offre la nature. [...]."

Je crois que c'est Jacques Brel (en tout cas, Jean-Pierre Chabrol l'écrit quelque part) qui différenciait de la sorte les réactionnaires et les progressistes: les réactionnaires ne voient et ne se souviennent que du pire; et les progressistes, que du meilleur.

À lire bientôt : Guy Devaux, "Eugène Plauchud (1831-1909), le pharmacien-poète de Forcalquier", Revue d'histoire de la pharmacie, n° 409, mars 2021.

jeudi 14 janvier 2021

Peigner la girafe

J'aime bien la radio, mais très franchement, ce média n'est pas gage de qualité, loin de là. Je répondais la semaine dernière à un journaliste d'un réseau national (que je ne citerai pas). Une bonne vingtaine de minutes passées au téléphone à tenter de lui expliquer le rôle (somme toute modeste) de François Mitterrand dans la libération des ondes. Autant peigner une girafe!

Je cite une des deux "capsules" (1 minute 30, quand même!), qu'il tira de cet entretien:

Le journaliste y évoquait "les quarante ans de plusieurs réformes, dont celle qui a vu l'explosion des radios libres sur la bande FM. François Mitterrand avait lui-même anticipé ce mouvement en créant, lorsqu'il dirigeait le Parti socialiste, Radio Riposte, une fréquence pirate [...]. C'était aussi, d'après [Thierry Lefebvre], une occasion pour François Mitterrand de nouer un lien avec la jeunesse de l'époque."

Suivait un petit extrait de mes propos:

"C'est tout le paradoxe de la situation. En 1981, vous avez d'un côté Valéry Giscard d'Estaing, qui avait été élu sept ans auparavant comme le plus jeune président de la République; et de l'autre côté, un candidat socialiste, qui se présente pour la troisième fois à la présidentielle et qui est donc “un vieux cheval sur le retour”. Il a besoin effectivement du soutien de la jeunesse. Et, entre autres, cette question  [...] est un enjeu pour lui."

Ce fut tout: trente-cinq secondes (mieux que "Ma thèse en 180 secondes"!), qui débouchèrent sur cette conclusion enjouée du journaliste:

"Et ouais, la bande FM à l'époque, c'était un peu le TikTok de l'époque ou le WhatsApp des années 70 et 80 pour créer ce lien avec la jeunesse."

Elle n'est pas belle, la vie? Et tant pis si François Mitterrand n'a pas "créé" Radio Riposte (ce fut le sénateur Bernard Parmantier qui conçut cette émission); tant pis s'il n'a pas "anticipé" le mouvement; tant pis si la loi provisoire de novembre 1981 n'a pas été "à l'origine" de "l'explosion des radios libres" (elle s'est contentée de l'encadrer tant bien que mal); et tant pis si TikTok, WhatsApp et toutes ces tristes pompes à vide n'ont strictement rien à voir avec ce qui se passa il y a quarante ans...

Très bientôt, j'en dirai plus sur les radios des années 1977-1983, telles que les virent ces yeux-là...


mardi 5 janvier 2021

Trop sachant pour être honnête

En toute époque, nous nous trouvons sous l'emprise médiatique d'une poignée d'"ultra-sachants" qui, forts de leur expertise, sans doute avérée dans leur étroit domaine de spécialité, mais aussi d'un certain entregent, se croient obligés de nous vulgariser la totalité des connaissances scientifiques de ce bas-monde. Omniscients au moins en apparence, ils accaparent notre attention en saupoudrant de bavardages notre ignardise et en faisant miroiter devant nos yeux hagards le mirage de la totalité du Grand-Tout.

C'est agaçant à la fin !

Ça agaçait déjà Conan Doyle en 1912. Je cite le génial professeur George Edward Challenger, héros du Monde perdu. Rappelons qu'à l'époque, la radio et la télévision n'existaient pas:

"Les conférences populaires sont ce qu'il y a de plus facile à écouter, mais Monsieur Waldron [un ultra-sachant de ce temps-là] m'excusera si j'affirme que de toute nécessité, elles sont à la fois superficielles et fallacieuses, puisqu'elles doivent se placer à la portée d'un auditoire ignorant. Les conférenciers populaires sont par nature des parasites. Ils exploitent, pour se faire une renommée ou pour gagner de l'argent, le travail qui a été accompli par leurs frères pauvres ou inconnus. Le plus petit fait nouveau obtenu en laboratoire, une brique supplémentaire apportée pour l'édification du temple de la science a beaucoup plus d'importance que n'importe quel exposé de seconde main, qui fait certes passer une heure, mais qui ne laisse derrière lui aucun résultat utile. J'exprime cette réflexion [...] afin que vous ne perdiez pas le sens des proportions et que vous ne preniez pas l'enfant de chœur pour le grand prêtre."

samedi 2 janvier 2021

Gloubi-boulga

Je parcourais hier l'ouvrage collectif de Ruth Anderwald, Karoline Feyertag et Leonhard Grond (eds), Dizziness - A Ressource [Vertiges: une ressource] (Berlin, Sternberg Press, 2019), lorsque je tombai sur le passage suivant:

"From its very beginnings, the experience of dizziness was connected to the cinematic experience which affects first, but not solely, the body, either as an effect consciously sought after or as an unwellcome side effect, such as cinématophtalmie, a term coined by French ophthalmologist Thierry Lefebvre in 1909 to communicate the harmful, dizzying effect of cinema to the healthy human being." (p.36)

Je m'insurge! Je ne suis pas ophtalmologue et je n'étais pas encore né en 1909. En revanche, j'ai bien écrit en 1993 un petit article intitulé "Une “maladie” au tournant du siècle: la “cinématophtalmie”" (Revue d'histoire de la pharmacie, n°297, 2e trimestre 1993, p. 225-230). On peut le retrouver ICI. J'en connais par ailleurs deux traductions: une en espagnol ("Una “enfermedad” de finales de siglo: la “cinematophtalmia” dans le n°22 des Archivos de la filmoteca de Valencia en 1996); et l'autre en allemand ("Flimmerndes Licht. Zur Geschichte der Filmwahrnehmung in frühen Kino" dans le n°5 de Kintop à Frankfurt-am-Main, également en 1996).

On peut y lire que le Dr Étienne Ginestous (1870-1945), oculiste à l'hôpital suburbain des enfants de Bordeaux, imagina le néologisme de "cinématophtalmie" en 1909. Et on s'apercevra que cette "maladie" n'avait strictement rien à voir avec la notion de vertige.

Le recherche "gloubi-boulga" - avec cette pincée de "seconde main" qui en relève soi-disant le goût - a encore de beaux jours devant elle.