mercredi 30 mai 2018

Maurice Séveno et les radios libres

J'apprends le décès de Maurice Séveno (1925-2018), pionnier du journal télévisé en 1949.
Il y a une quinzaine d'années, je l'avais rencontré longuement, avec Jean-Pierre Locatelli, dans son bel appartement de Boulogne-Billancourt. Grande figure du mouvement de contestation à l'ORTF en Mai 68, licencié en représailles, il était devenu, dans les années 1970, le spécialiste de l'audiovisuel au Parti socialiste, tout en gérant à partir de 1973 une petite société de production liée au parti, Unitélédis.

Dès janvier 1975, donc bien avant Radio Verte, il s'était attelé à un projet de "radio libre [...] à l'écoute de ses auditeurs". Il s'agissait là d'une des premières occurrences en France de cette formule qui allait par la suite faire florès, aussi bien dans la presse que dans le débat public. "J'aimerais bien l'appeler Radio Libre, car pour moi c'est vraiment cela", affirmait-il à l'époque dans Libération. Il semble que l'idée lui avait été suggérée durant la campagne présidentielle de 1974 par Claude Perdriel.
Cette première "radio libre" ne vit jamais le jour, mais on retrouva quelques années plus tard Maurice Séveno à la tête de Canal 75, radio illégale lancée quelques semaines avant l'élection présidentielle et saisie le 7 mars 1981 vers 6h du matin.

Après la victoire de François Mitterrand, Maurice Séveno fut réintégré à FR3 et devint un des présentateurs attitrés du JT.
Il est, bien sûr, à de nombreuses reprises question de lui dans mon ouvrage La Bataille des radios libres. Je retranscrirai prochainement son interview inédite.


Ci-dessus, une courte émission du Parti socialiste produite par Unitélédis et animée par Maurice Séveno. Elle fut diffusée sur Antenne 2 le 11 mai 1978, il y a donc un peu plus de quarante ans.
On y évoque les saisies récentes de Radio 93 et Génération 2000 en avril-mai 1978, ainsi qu'une émission brouillée de Radio Noctiluque, ancêtre de Radio Ivre et alors animée par Jean-François Aubac. Aux côtés de Séveno, on reconnaît François Samuelson et Maître Jean-Louis Bessis, tous deux membres de l'Association pour la libération des ondes (ALO).


samedi 26 mai 2018

Algorithme à revoir

Pour les besoins d'un texte urgent, je suis en train de relire un ouvrage que Cécile Raynal et moi avions fait paraître il y a cinq ans : Les Métamorphoses de Tho-Radia (Paris, Glyphe, 2013).


J'en ai également profité pour taper le nom "Tho-Radia" dans le moteur de recherche de Google: environ 21.000 résultats sont annoncés.
Le premier est la fiche Wikipedia, entièrement inspirée de nos divers contributions sur le sujet (merci aux rédacteurs de Wikipedia!). Suivent les pdf de quelques-uns de nos articles anciens, paru l'un en 2002, les autres en 2006 et 2007. Viennent ensuite - et seulement - une émission de France Culture enregistrée au moment de la sortie du livre. Puis un article de synthèse publié en 2013 dans Pour la Science.
Où l'on voit que l'algorithme de Google ne prend guère en compte l'évolution d'une recherche sur un sujet donné, en privilégiant des documents disponibles sous forme de fac-similés (souvent en partie périmés), au détriment des versions ultérieures forcément plus abouties. C'est là un des nombreux défauts du web et il est peu probable qu'il se résoudra dans un avenir proche.

C'est dommage, parce que l'ouvrage de 2013 en apprendrait beaucoup plus aux personnes intéressées par le sujet. Jean-Marc Lévy-Leblond l'avait bien compris en le qualifiant de "livre du mois" dans La Recherche de février 2014.
Le chapitre 5 est, de ce point de vue, exemplaire. Par rapport aux pdf privilégiés par Google, tout y est nouveau... et surprenant. Au terme d'une recherche fastidieuse, nous étions en effet arrivés à la conclusion que Tho-Radia était très certainement une des dernières opérations douteuses de Serge Alexandre Stavisky - le "beau Sacha", si élégamment interprété par Jean-Paul Belmondo dans le film d'Alain Resnais.
Stavisky : l'homme par qui le plus grand scandale de l'entre-deux-guerres arriva... puis les émeutes de février 1934... puis, indirectement, le Front populaire. Peut-être que Resnais aurait trouvé là une source d'inspiration pour un éventuel remake de son film...

À ma connaissance, cette découverte n'a guère reçu d'écho, les lecteurs de l'ouvrage s'étant beaucoup plus attachés à l'aspect pittoresque de cette épopée. Pensez donc: un produit cosmétique à base de radium!

D'autres informations et indices sont également essaimés ici et là dans l'ouvrage: les uns concernent Georges Bonnet, ministre du Commerce et de l'Industrie jusqu'à la fin janvier 1934; d'autres, Walter Stucki qui négocia la reddition du maréchal Pétain en 1945. Etc.

Comme disait l'autre, il faut laisser du temps au temps.

jeudi 24 mai 2018

Paroles gelées

Écoute d'extraits d'émissions de radios libres ce matin à l'Université Panthéon-Assas.
Géraldine Poels m'avait en effet demandé de programmer et d'animer la carte blanche de l'Institut national de l'audiovisuel, proposée dans le cadre du deuxième congrès de la Société pour l'histoire des médias.

Focalisé sur l'année 1978 et plus particulièrement autour du vote de la loi Lecat (qui renforça la répression contre les radiolibristes), ce petit patchwork, issu des collections de l'Ina, donnait à entendre les voix de Félix Guattari, Thomas Sertillanges, Marcel Bleustein-Blanchet, Jean Ducarroir, Patrick Farbiaz, ainsi que de quelques animateurs de Radio Bastille.

J'adore ces capsules de paroles, rescapées d'une époque lointaine (quarante ans !) que je connais désormais par cœur (bien que ne l'ayant pas connue) et dans laquelle il m'arrive régulièrement de me promener en imagination.


Le hall d'entrée d'Assas a bien changé depuis mon dernier passage. Ce devait être vers 1982 ou 1983. À l'époque, tout jeune étudiant et n'ayant pas froid aux yeux, j'étais entré, avec le culot qui me caractérisait alors, dans ce temple inviolable, pour y apposer une affiche de la JOC sur le panneau d'information. Aussitôt, trois malabars m'avaient encadré et raccompagné manu militari vers la sortie. On m'a dit par la suite qu'il s'agissait probablement de trois gentils animateurs du GUD. Mais bon, ce n'était pas écrit sur leur front et le mystère reste entier.
En tout cas, ça reste un souvenir très amusant avec le recul.

samedi 19 mai 2018

Inanité

Et voilà !
Un nouvel ouvrage de terminé ! Relu, peaufiné, élagué, etc. Si tout se passe bien, il sortira cet automne ou cet hiver. Pas du genre mainstream, dieu merci !

Je ne connais rien de plus agréable que cet artisanat de l'écriture, sauf peut-être le grand plaisir que l'on éprouve à crapahuter dans des lieux et des situations insolites.
Bon, il faut le reconnaître : cela prend beaucoup de temps, cela demande même pas mal d'efforts sur soi-même. Efforts quelque peu vains, sans doute. Mais qu'importe... Comme l'a écrit Sénèque, "nous ne vivons que la moindre partie du temps de notre vie; car tout le reste de sa durée n'est point de la vie, mais du temps" (La Brièveté de la vie, un de mes bréviaires). D'où la nécessité de "passer le temps"... et notre société sait y faire.

Cet ouvrage (dont je ne dirai rien pour le moment) désormais terminé, deux autres s'apprêtent à le rejoindre sur l'aire de lancement. Leur rédaction est déjà bien avancée et leurs sujets sont assurément peu communs.
Derrière ces deux-là, ça se bouscule au portillon: deux ou trois autres sont en cours de gestation.
Ci-dessous, un des endroits mystérieux où se pratique cette "maïeutique".
On n'y est guère dérangé car la voie est étroite.

Photo: T. Lefebvre.